Vous y avez pensé, réfléchi, planifié... et maintenant c'est décidé : vous allez vous lancer à votre compte lors de votre reconversion. Reste une question essentielle qui va façonner votre quotidien professionnel pendant des années : quel statut juridique choisir ?
Deux options dominent chez les reconvertis en quête d'indépendance : la micro-entreprise (aussi appelée auto-entreprise) et le portage salarial. De prime abord, elles semblent proches. Creusez un peu et vous découvrirez deux univers différents, avec leurs avantages, leurs contraintes, et surtout, leurs impacts concrets sur votre rémunération, votre protection sociale et votre liberté d'action.
Cet article compare ces deux statuts pour vous aider à choisir celui qui correspond réellement à votre projet et vos priorités.
Micro-entreprise : la liberté en toute simplicité
Le concept
La micro-entreprise, ou régime auto-entrepreneur, est le statut de travailleur indépendant le plus accessible en France. Concrètement, vous êtes travailleur non salarié. Vous créez votre propre activité, vous êtes patron de vous-même, et vous conservez l'intégralité du chiffre d'affaires que vous générez, déduction faite d’un abattement forfaitaire.
Conditions d'accès et formalités
Le principal atout de la micro-entreprise : sa simplicité administrative. Pour démarrer, vous devez :
- Vous immatriculer auprès de l'URSSAF ou du greffe du tribunal de commerce (quelques minutes en ligne)
- Déclarer votre début d'activité
- Respecter quelques obligations comptables minimales (tenir un registre de vos encaissements)
Aucun diplôme requis pour la plupart des activités. Aucun plan d'affaires à présenter. Aucun investissement minimal obligatoire (sauf exceptions sectorielles). Vous pouvez commencer presque immédiatement après votre formation de reconversion.
Les plafonds à respecter
La micro-entreprise, c'est intéressant jusqu'à certains plafonds de chiffre d'affaires :
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Type d'activité |
Plafond CA annuel |
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Vente de biens, restauration, hôtellerie |
94 300 € (2024) |
|
Services, activités libérales |
36 500 € (2024) |
À retenir : ces plafonds augmentent chaque année selon l'inflation. Une fois franchis, vous devez changer de statut, généralement pour l'EURL ou la SARL.
Responsabilité : ce qu'il faut savoir
En tant que micro-entrepreneur, vous êtes responsable de vos dettes professionnelles sur votre patrimoine personnel. Contrairement à une SARL ou une EUSARL (structure plus complexe), votre responsabilité n'est pas limitée aux apports. Ce détail a son importance si vous envisagez une activité à risque.
Portage salarial : le meilleur des deux mondes ?
Le concept
Le portage salarial fonctionne sur un principe radicalement différent. Vous restez salarié, mais vous êtes porté par une société tierce spécialisée (la société de portage). Concrètement, vous demeurez lié par un contrat de travail, avec tous les droits et devoirs qui en découlent.
La société de portage devient votre employeur administratif. Elle facture vos clients, gère la paie, envoie les déclarations sociales. Vous, vous faites le travail et vous recevez un salaire.
Le rôle de la société de portage
La société de portage n'est pas un simple intermédiaire neutre. Elle joue plusieurs rôles :
- Facturation et recouvrement : elle envoie les factures à vos clients et récupère l'argent
- Gestion administrative : paie, cotisations, déclarations fiscales
- Protection juridique : elle est responsable en cas de litige avec vos clients
- Conseil optionnel : certaines proposent de la formation, du mentorat
En contrepartie, elle prélève une commission (généralement entre 5 % et 10 % de votre CA, selon les prestataires).
Votre statut juridique : salarié, pas indépendant
C'est le cœur de la différence. Vous n'êtes pas travailleur indépendant. Vous êtes salarié, avec tout ce que ça implique : lien de subordination avec la société de portage, respect du droit du travail, droits sociaux complets.
Cela veut dire que la société de portage peut, théoriquement, vous donner des instructions. En pratique, pour préserver votre autonomie, les meilleures sociétés de portage laissent une grande liberté.
Comparaison : charges sociales et fiscales (la vraie différence)
C'est ici que les deux statuts se distinguent vraiment. Les différences de coûts sont substantielles.
Micro-entreprise : charges simplifiées
En micro-entreprise, vous payez une cotisation forfaitaire basée sur votre CA, indépendamment de ce que vous gagnez réellement :
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Activité |
Taux de cotisation |
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Vente de biens, restauration |
12,30 % du CA |
|
Services et activités libérales relevant de la CIPAV |
21,2 % du CA |
|
Location de meublés de tourisme classés |
6 % du CA |
Exemple concret : vous générez 30 000 € de CA en activité de service. Vous payez 6 360 € de cotisations sociales, quel que soit votre bénéfice réel.
À cela s'ajoutent les impôts sur le revenu (micro-fiscal ou réel). En micro-fiscal, vous bénéficiez d'un abattement automatique de 34 % pour les services (50 % pour vente/restauration) avant calcul de l'IR.
Portage salarial : cotisations salariées
En portage salarial, c'est différent. Vous percevez un salaire net fixe. Les cotisations sont déductibles avant versement, comme pour tout salarié.
Votre rémunération nette = (CA facturé - frais de portage) × (100% - cotisations salariées)
Les cotisations sociales salariées représentent environ 23-25 % du salaire brut. La société de portage ajoute les cotisations patronales (~42 %) mais les finance elle-même.
Exemple simplifié :
- Vous facturez 40 000 € à vos clients annuels
- Frais de portage : ~7 % = 2 800 €
- Base nette de portage : 37 200 €
- Cotisations salariées (~23%) : 8 556 €
- Salaire net estimé : 28 644 €
Lequel coûte moins cher ?
La réponse dépend de trois variables :
- Votre chiffre d'affaires réel
- Votre besoin de protection sociale (un coût caché de la micro-entreprise)
- Votre taux d'imposition personnel
À CA identique, la micro-entreprise est généralement moins coûteuse (15-20% de frais globaux vs 30-35% en portage). Mais si vous avez besoin de protection sociale plus poussée (notamment le chômage), l'équation change.
Conseil : une feuille de calcul personnalisée vaut mieux que des moyennes. Contactez un expert-comptable ou une Chambre de Commerce avant de décider.
Protection sociale : la vraie différence
Ici, le portage salarial gagne clairement. Et c'est un argument massif pour beaucoup de reconvertis.
Micro-entreprise : une couverture minimale
En tant qu'auto-entrepreneur, vous êtes affilié au régime social des indépendants (RSI). Concrètement :
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Protection |
Niveau |
|
Maladie / maternité |
Couverture de base |
|
Retraite |
Retraite minimale |
|
Invalidité / décès |
Faible ou inexistante selon revenu |
|
Chômage |
Aucun droit |
|
Congés payés |
Aucun |
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Prévoyance |
À votre charge |
À retenir : pas de droit au chômage. Si votre activité s'arrête soudainement, vous ne percevez rien. Si vous êtes malade plus de 3 mois, votre activité risque de s'arrêter.
Pour vraiment vous protéger, vous devez souscrire des assurances complémentaires (perte de revenus, retraite supplémentaire), ce qui augmente vos coûts de 5 à 10 %.
Portage salarial : protection complète
Vous restez salarié. Cela signifie :
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Protection |
Niveau |
|
Maladie / maternité |
Couverture complète (arrêt maladie payé) |
|
Retraite |
Régime salarié classique (~50-60% du dernier salaire) |
|
Invalidité / décès |
Protections standards salariat |
|
Chômage |
Oui, vous êtes assuré |
|
Congés payés |
5 semaines minimum |
|
Prévoyance |
Souvent proposée |
C'est un avantage énorme lors d'une reconversion. Vous testez votre nouveau domaine avec un filet de sécurité. Si ça ne marche pas, vous pouvez rebondir sans avoir perdu l'accès aux droits chômage.
Pour approfondir ce sujet, consultez nos articles sur la protection sociale de l'auto-entrepreneur et les différences de protection entre statuts.
Autonomie et flexibilité
Micro-entreprise : vous êtes le patron
C'est simple : c'est votre affaire. Vous décidez :
- Quels clients accepter ou refuser
- Vos tarifs
- Vos horaires
- Vos méthodes de travail
- Où et comment travailler
Zéro contrainte hiérarchique. Vous ne rendez de comptes à personne. C'est l'avantage majeur pour les profils indépendants, créatifs, ou ceux qui ont quitté le salariat précisément pour cette liberté.
Portage salarial : autonomie relative
Vous êtes salarié, donc théoriquement soumis à une autorité. En pratique, les bonnes sociétés de portage donnent beaucoup de liberté. Vous choisissez vos missions, négociez vos tarifs.
Mais quelques contraintes :
- Vous devez justifier votre activité auprès de la société de portage
- Elle peut vous demander de prévoir certains éléments (assurance, formation)
- Vous ne pouvez pas monter des clients vers une activité concurrente sans autorisation
- Certaines demandent un CA minimum annuel (souvent 15 000-20 000 €)
Le tableau comparatif
|
Critère |
Micro-entreprise |
Portage salarial |
|
Choix des clients |
Total |
Libre, avec justification |
|
Fixation des tarifs |
Total |
Libre, mais avec plafonds parfois |
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Horaires de travail |
Total |
Libre, contrat de travail applicable |
|
Méthodes de travail |
Total |
Libre, avec supervision légale |
|
Autonomie globale |
***** |
**** |
Verdict : si l'autonomie maximale est votre priorité, la micro-entreprise gagne. Si vous êtes prêt à troquer un peu d'autonomie pour plus de sécurité, le portage salarial propose un bon compromis.
Coûts et frais : au-delà des cotisations
Micro-entreprise : coûts variables
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Type de coût |
Montant estimé |
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Immatriculation |
Quelques dizaines d’euros (en ligne) |
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Assurance RC Pro |
200-600 €/an selon secteur |
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Comptabilité / expertise-comptable |
300-1 000 €/an (optionnel) |
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Cotisations sociales obligatoires |
% du CA |
|
Impôts (IR) |
Variable selon revenus |
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Total estimé |
25-35 % du CA |
Portage salarial : coûts transparents
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Type de coût |
Montant estimé |
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Commission portage |
5-10 % du CA |
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Cotisations sociales |
Déduites automatiquement (~48% du salaire brut, patron+salarié) |
|
Impôts |
Déduction à la source si option IR |
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Coût pour vous |
Commission + IR variable |
|
Rémunération nette estimée |
50-60 % du CA |
Important : en portage salarial, les cotisations patronales sont incluses mais payées par la structure (c'est moins visible pour vous).
Investissement initial
Pour une micro-entreprise, vous pouvez démarrer quasi gratuitement. Pour le portage salarial, idem : aucun investissement requis.
La vraie différence : si vous avez besoin de matériel, stock, ou formation pour votre reconversion, la micro-entreprise offre plus de flexibilité pour le financer progressivement.
Pour en savoir plus sur les spécificités fiscales, consultez notre guide sur les cotisations sociales et fiscales de l'auto-entrepreneur.
Quel statut pour quel profil ?
Micro-entreprise : idéale si...
- Vous avez des compétences très demandées et peu de doute sur la viabilité de votre activité (consultant, freelancer, formateur dans un domaine tendance)
- Vous préférez l'autonomie maximale et vous êtes à l'aise avec une gestion entrepreneuriale seul
- Votre activité est peu réglementée (pas de diplôme obligatoire, pas de restrictions légales)
- Vous avez des revenus faibles au démarrage et vous cherchez à minimiser les coûts
- Vous avez une bonne santé financière personnelle pour absorber un coup dur (arrêt maladie non payé, manque de clients)
- Vous visez un chiffre d'affaires modéré (sous les plafonds mentionnés plus haut)
Pour explorer cette option, consultez notre article approfondi sur la micro-entreprise et la reconversion.
Portage salarial : à privilégier si...
- Vous cherchez la sécurité maximale lors de votre reconversion (garde-fou important après un changement de vie)
- Vous avez besoin d'une couverture chômage (situation professionnelle instable antérieurement, besoin de rassurance)
- Vous préférez ne pas gérer l'administratif (comptabilité, cotisations, déclarations)
- Vous avez des besoins de formation continue : certaines sociétés de portage proposent des accès privilégiés
- Vous envisagez une retraite décente : le régime salarial offrira plus qu'une retraite d'indépendant
- Vous n'avez pas le profil entrepreneur : vous voulez faire votre métier, pas gérer une PME
- Vous visez un CA plus important et une progression salariale régulière
Pour approfondir, découvrez pourquoi le portage salarial est un bon choix pour la reconversion et les raisons de choisir le portage salarial.
Les 3 questions de décision
- Ma priorité numéro 1, c'est quoi ? (argent, sécurité, liberté) → Si autonomie : micro-entreprise → Si sécurité : portage salarial
- Ai-je besoin de droits chômage ? → Oui → portage salarial obligatoire → Non → les deux options viables
- Suis-je capable de gérer la gestion administrative et comptable seul ? → Oui → micro-entreprise possible → Non → portage salarial idéal
Pour résumer
Vous vous lancez dans une reconversion. C'est déjà un grand pas. Le choix entre micro-entreprise et portage salarial n'est pas gravé dans le marbre : vous pouvez commencer en micro-entreprise et basculer en portage salarial (ou l'inverse) selon votre évolution. Nombreux sont les reconvertis qui testent d'abord en micro pour valider leur marché, puis qui migrent vers le portage ou une autre structure pour pérenniser.
Ce qui compte vraiment : comprendre vos priorités, connaître les vrais coûts de chaque option, et choisir le statut qui réserve le moins de mauvaises surprises à votre projet.
Si vous hésitez encore, n'oubliez pas que vos droits à la formation de l'auto-entrepreneur peuvent aussi influencer votre décision. Et les avantages du statut d'auto-entrepreneur ne se résument pas aux chiffres : autonomie, fierté d'entreprendre, indépendance... des facteurs importants aussi.
Prenez le temps de vraiment vous connaître. Le meilleur statut, c'est celui qui vous permet de réussir votre reconversion.